Mon premier article sur le leadership féminin présentait les conclusions de certaines recherches dans le but de faire faire une prise de conscience sur «une tendance lourde» qui nuit à l’exercice du leadership féminin. Tendance lourde ne veut pas dire universelle.
D’ailleurs, avant de poursuivre cette lecture, je vous recommande chaudement de lire ce premier article ou de le relire avant de vous plonger dans celui-ci.
Cet article aura davantage l’aspect d’une discussion autour du résultat de recherche qui suggère de façon assez limpide que l’agréabilité n’est pas corrélé avec le leadership. J’apporterai des nuances et des stratégies pour diminuer l’agréabilité et augmenter le partnership.
Je propose une structure en entonnoir, partant des aspects macro de l’agréabilité, jusqu’à l’énoncé de précisions plus micro.
Survivre
L’agréabilité est liée à la survie, est-ce assez macro à votre goût ça?
Oui, Mesdames, être gentille vous fournit une certaine protection. La gentillesse vous assure le statut d’une bonne personne non menaçante. En plus d’attirer la sympathie, vous ne serez pas redoutée.
Avouez que ça peut être commode?
Toutefois, le danger est le suivant: le jour où vous allez vous positionner clairement et authentiquement, parce que c’est ce que fait un leader, vous allez perdre une partie de vos partenariats et vous aurez droit à des commentaires du genre: «Je ne te reconnais plus.»
Mon conseil: Opérez une transition graduelle.
Je vous propose donc de commencer tranquillement à dire ce que vous pensez vraiment, l’inverse de se taire dans le but d’éviter les zones de turbulences. Quand vous êtes en désaccord, dites-le et posez des questions d’approfondissement.
Et faites le deuil de plaire à tous. Ça n’arrivera pas. C’est juste impossible.
Il existe un excellent livre pour se remettre les pendules à l’heure à ce sujet: L’art de s’en foutre de Mark Manson.
Manipuler
La gentillesse est une forme de manipulation pour obtenir ce que l’on veut.
Oupelaï!
Est-ce toujours mal? Ben non. Parfois user de gentillesse est une bonne chose. On appelle ça mettre de l’huile dans l’engrenage d’une relation. Toutefois, cette stratégie s’exerce et est utile surtout dans la sphère privée. Excellent pour assurer la longévité d’un couple.
C’est donc pour cette raison qu’il est important de distinguer l’agréabilité et le partnership en terme de positionnement dans une relation.
Comme mentionné plus haut, l’agréabilité peut être de l’huile dans l’engrenage des relations alors que le partnership s’apparente davantage à un accord mutuel de transaction d’égal à égal où les parties prenantes sont considérées comme autonome.
Ouf!
Accord mutuel de transaction d’égal à égal où les parties prenantes sont considérées comme autonome.
En français, maintenant.
Il s’agit de 2 personnes n’ayant pas de liens de dépendance affective ou fonctionnelle (elles sont autonomes) et qui partagent un but commun. Elles choisissent de partager des compétences et des ressources pour atteindre ce but commun.
C’est une dynamique bien différente de l’agréabilité. Ça s’appelle travailler avec l’autre pour atteindre un but.
Ce type de relation encourage les conversations franches qui tiennent compte des émotions mais qui sont davantage orientées vers l’avancement, le mouvement, soit du but commun, soit d’une meilleure façon de fonctionner ensemble.
Développement de l’autonomie
Dans le précédent article, je mentionne et je joins la référence, qui démontre que les femmes sont davantage orientées vers les relations. Ça explique leur penchant naturel à l’agréabilité. En étant agréable, elles sont parfois moins performantes pour développer l’autonomie des autres.
Sachez que développer l’autonomie est une tâche absolument nécessaire mais difficile. Plusieurs l’évitent en prétendant qu’un adulte devrait être autonome. C’est vrai, mais c’est rarement le cas dans des proportions intéressantes. Si en tant que gestionnaire/leader vous ne le faites pas, vous n’avez pas fini d’être déçue et insatisfaite.
Voici les comportements d’agréabilité qui sont un frein au développement de l’autonomie:
- comprendre trop (c’est-à-dire, TOUJOURS excuser l’autre)
- faire à la place de l’autre
- trop rendre service (à l’inverse de “à l’occasion”)
Il y a des conséquences en termes de perte d’autorité et d’énergie.
Retenez-vous à 2 mains avant d’abattre de l’ouvrage qui n’est pas dans votre cours.
Oui, je sais, vous voulez des résultats, mais pas au prix du respect de vous-même, de votre terrain de jeu et de votre niveau de compétence.
J’ai vu des femmes d’une grande intelligence et de grands talents avoir le titre de directrice mais n’être que la secrétaire exécutive de leur patron.
J’ai vu des femmes s’épuiser pour ne pas avoir su responsabiliser les membres de leur équipe.
Maintenant, comment éviter de devenir une marâtre?
Souvent le réflexe instinctif, après avoir constaté que l’agréabilité ne protège pas tant que ça finalement, c’est d’adopter le comportement inverse: être sec, autoritaire et intransigeante.
Là, vous n’avez pas fini d’entendre: «Je ne te reconnais plus.» avec le sous-entendu suivant: «T’as fait quoi de l’attente de compréhension et de gentillesse que j’ai envers toi parce que tu es une femme?»
C’est la grosse mode en ce moment les biais cognitifs. Je n’aime pas les «buzzwords» qui, tout à coup, explique tout, mais dans le cas présent, il y a bel et bien un biais cognitif: le biais de représentativité.
Voici les antidotes à la “gère-mène”:
- Cultive du respect pour toi-même (quand on est dure avec les autres, c’est qu’on est dure avec soi-même)
- Développe tes compétences en communication (Écouter, faire des reflets, poser des questions d’approfondissement, dire des vérités)
- Attarde-toi un peu moins aux émotions et augmente ton attention envers les faits (recadre les conversations qui partent dans tous les sens)
- Construis des buts puissants pour toi-même et ton équipe (ce sont des guide-lines importants. On sait pourquoi on est là et qu’est-ce qu’on fait)
- Inscris-toi à une formation de développement du leadership de qualité où tu pourras vraiment passer à un niveau de maîtrise supérieure. Je vais être totalement transparente, la Fabrique des Braves offre spécifiquement ce type de formation qui transforme.
Conflit d’intérêt
Dans un article scientifique, vous retrouverez parfois la section conflit d’intérêt. Cet article n’est pas un article scientifique, toutefois, je tiens à positionner le sujets par rapport à moi, qui suis une femme qui exerce du leadership. Mon but: être transparente.
Sur le curseur de l’agréabilité, je me retrouve plus vers le pôle négatif que positif. Je me suis davantage spécialisée dans des comportements désagréables (j’ai été terrible avec mes patrons), doublé d’une apparence de confiance en moi et d’indépendance.
J’ai toutefois la facette honnêteté liée au trait de l’agréabilité. Je peux également être chaleureuse et sympathique, il faut bien compenser le gros caractère hérité de ma grand-mère!
Ahhh! Ma grand-mère a peu à voir là-dedans! Quoique?
La peur du rejet
Je sais que ce n’est pas simple tout ça. On a tous peur du rejet. Être agréable comme être désagréable est une forme de protection contre le rejet. Dans un cas, on mise sur l’acceptation, dans l’autre, on rejette avant d’être rejetée.
Avoir une peur maladive du rejet quand on est un leader, n’est pas recommandé. Pire, c’est un réel frein.
Toutefois, c’est une peur universellement partagée, du fait que nous avons VRAIMENT besoin les uns des autres pour vivre. La maîtriser nécessite de la relativiser, de faire face au rejet à l’occasion et de «toffer» ce que ça peut nous faire vivre. Le cerveau finit par comprendre qu’on en meurt pas. Sans devenir insensible, on se désensibilise. Nuance.
Je me répète donc: Faites le deuil de plaire à tous. Ça n’arrivera pas. C’est juste impossible.
En gagnant du leadership, j’ai perdu de l’agréabilité, en fait, ce qui m’en restait sous forme de dépendance affective surtout. Ça a beaucoup changé mes relations, autant d’un point de vue personnel, que professionnel. J’ai moins l’air de la “nice girl” dynamique.
En travaillant sur le partenariat plutôt que «la relation sympathique» pour me faire accepter, j’ai découvert beaucoup de solidité et paradoxalement de sécurité. Dans un partenariat, les choses sont claires: pourquoi nous sommes là, ça sert à quoi, et comment nous collaborons. C’est vrai avec mon amoureux, c’est vrai avec mes clients.
En fabriquant des ententes claires, j’ai pu me détendre. En étant détendue, je suis moins «désagréable» (mon comportement de protection favori). Ça m’évite d’être perçu comme une marâtre, parce que oui, il m’est arrivée d’être perçue ainsi. Ça me donne aussi la légitimité de mettre un «Oh là», sans qu’on me regarde de travers.
Conclusion
L’agréabilité est utile et même nécessaire dans une certaine dose et dans certains contextes, mais ce trait n’est pas corrélé avec le leadership.
Si cet article te chatouille, j’aimerais attirer ton attention sur 3 choses:
- Lorsqu’on écrit un article, il faut choisir un angle précis. Il existe une panoplie de situations, de personnes et de contextes. Un article de 1500 mots ne peut pas embrasser toutes les variables.
- Si cet article te chatouille, je suis assez contente. Pour moi, c’est bon signe. Et n’hésite pas à poser des questions, j’y répondrai avec grand plaisir.
- Si cet article te rebute, tu peux aussi te demander si le leadership t’intéresse vraiment. Parce qu’avec l’endosse du leadership, il y a des nouvelles réalités à embrasser et des deuils à faire. Sinon, c’est de l’ordre du paraître et de la mascarade. On joue au leader!
Sache qu’avec le leadership vient de grandes responsabilités et de la solitude.
Par contre, cette solitude peut être, en partie, diminuée par des partnerships solides et de la sagesse.
Ben oui toi, la sagesse. Ça, ce n’est pas un «buzzword» en ce moment. Ça pourrait peut-être le devenir! Qui sait?
Le leadership c’est de l’art, nous passons notre vie de leader à marcher sur le faîte d’une montagne. De chaque côté, il y a des opposés que l’on doit tenir en équilibre.
P.S. Une relectrice m’a lancé le défi d’écrire un 3ième article : «Tout ça est très intéressant… Peut-être dans un 3e volet, je serais curieuse d’en savoir plus entre la «diminution de l’agréabilité» et la fameuse vulnérabilité qu’on veut tant voir apparaître dans le nouveau style de leaders. Comme être authentique et vulnérable, tout en s’imposant et en ne faisant pas plaisir à tout prix. Food for thought :)» J’ai vraiment le goût de relaver le défi. À suivre donc.